~*~ Le Bal d'anniversaire ~*~

Lorsque Sachiko se présenta à son tour auprès de Yumire, celle-ci la regarda d’un air très enthousiasmé, pensant intérieurement que, aux vues de son prénom, la belle vampire était peut-être Japonaise. Cela aurait enchanté la vampirette, qui n’avait pas rencontré de vampires asiatiques depuis bien longtemps.

Sachiko, après s’être présentée, lui dit dans un sourire qu’elle trouvait la fête très réussie. Yu lui rendit son sourire et déclara d’une voix gaie :

" N’est-ce pas ? Ce qu’on voit ici est la magnifique œuvre de Zurgaalarphalgiry, notre chef de clan. Je suppose que c’est lui qui a supervisé toutes les opérations ^^ "

Dans la minute qui suivit arriva de la salle Trystella qui, en posant une main sur son épaule, se présenta elle aussi à la jeune inconnue en lui souhaitant à son tour la bienvenue. Yumire adressa un sourire chaleureux à son amie. Quel bonheur de la revoir ! Il avait dû sûrement se passer beaucoup de choses pour que la vampire ait ainsi mûri, grandi, embelli. Elle était magnifique et surtout rayonnante.

Légèrement intriguée, Yu se retourna pour apercevoir TaeKu qui venait juste de quitter la salle de réception en direction de la terrasse. Elle sourit. Il semblait que le courant passait réellement bien entre le grand vampire et Trystella, et elle en était la première ravie.

" Sachiko-San, de quel clan faites-vous partie ? " questionna Yumire avec un sourire.-

Empressée était un bien grand mot, elle gardait en permanence une grace mesurée dans ses pas et ses gestes, aussi rejoignit-elle en quelques pas Zurgy qui s'était arrêté.
Feynix observa avec attention les nouveaux arrivants qu'elle avait raté en s'éclipsant au profit de la fraîcheur de la nuit. Quand elle sentit les doigts de son hôte glisser de sa main, elle ne put retenir un fin sourire. Elle regarda Zurgy, en un pas fut devant lui, plongeant son regard dans le sien, sa main glissant sur son épaule.

" L'existence n'est qu'une danse que je suis toujours prête à danser, mais vousn l'êtes vous ? demanda-t-elle avec un sourire taquin. "

Prenant le pas au temps, elle le laissa guider la valse qui s'entamait à peine. La danse était entrainante, envoûtante, les couleurs se mêllaient et s'entremêllaient. La sensibilité exacerbée de la vampire sentait chaque aspérité du tissu du costume du vampire, ses narines les divers parfums de la salle, ses oreilles décomposaient chaque mouvement de cette valse.-

Oramis s'apprêtait à regagner sa cachette improvisée, quand l'inconnu l'arrêta

" Je m'excuse de mes manières... La femme que j'ai salué fait partie de mon clan... De plus, je ne parle pas souvent pour tout dire... Si vous voulez aller discuter à l'écart, je vous suis... Je ne voudrais pas laisser une mauvais impression... "

Oramis etait sans voix. Elle se retint de sourire. Ce vampire était un peu comme elle : pas très doué pour les rencontres et les mondanités.

* Un peu d'air ne me fera pas de mal. Et puis... qui sait... il est peut etre intéressant, ça n'engage à rien. *

Se dirigeant vers la porte donnant sur la terrasse elle lui dit :

" - Vous ne m'avez pas laissé une mauvaise impression. Mais j'avais l'impression que vous n'étiez pas vraiment avec moi. "

Lui jetant un regard en coin, elle ajouta avec un sourire malicieux :

" - Ce qui est plutot vexant... "

<direction la terrasse>-

Elle avait sourit à l'expression de fatigue extrême de Yumire, aussi l'avait-elle laissé en paix faire connaissance avec une nouvelle arrivante, et elle-même s'était contenté de regarder le Bal et d'écouter l'orchestre jouer, à l'endroit même où sa cavalière et elle s'était séparée.
Absorbée dans sa contemplation satisfaite, elle ne s'était apperçue de la présence de Kuryan que lorsque celui-ci avait posé une main sur son épaule dénudée.
Et elle sentie immédiatement la blessure de son aimé.

Ivy se retourna derechef, faisait voler les pans de sa longue robe et croisa le regard contrit de son fiancé. Heuresement, un vampire récupérait très rapidement de coupures dans ce genre, ce n'était parfois l'affaire que de quelques secondes. Aussi répondit-elle à son excuse en ces termes :

" Oui, j'espère... On dirait presque que tu fée exprès de te blesser pour que je te soigne... " D'un ton malicieux.

Il était évident que son absence dès l'ouverture du bal l'avait profondément déçue... Même si elle savait que la danse n'était pas spécialement ce qu'il aimait le mieux faire...
Il s'inclina et lui fit un baise-main, sûrement plus passionné que les deux précédents durant cette soirée.

" J'y consent... " Répondit-elle alors.

Cela faisait tellement longtemps qu'elle voulait danser dans ses bras, qu'elle n'allait pas gâcher cette occasion par un contretemps !
Elle se positionna pour la danse qui venait, une sarabande posée et délicate. La vigoureuse vampire était infatiguable pour ce qui concernait ce genre de divertissement, qu'elle affectionnait particulièrement, restait à savoir si son compagnon tiendrait le rythme...-

Le vampire sourit à la belle Feynix. Plus les mesures passaient, plus le vampire se sentait dans un état mélancolique. Certes, pour lui, danser avec une si jolie vampire était quelque chose d’agréable mais en même temps, il se sentait coupable de profiter d’une si belle soirée. Les phrases de la musique se succédaient et les pas de Zurgaalarphalgiry étaient de plus en plus lourds. Ses pensées aussi devenaient morbides. Il n’avait jamais cru en dieu et pourtant, alors que tout le monde devait penser qu’il passait une soirée formidable en charmante compagnie, il était en train d’imaginer feu Proxima en train de l’observer depuis le ciel et le trouver grotesque avec ses grands airs de chef de clan alors qu’il n’était même pas capable de résister aux charmes des femmes… Mais peut-être était-ce aussi cela qui avait plu a sa défunte épouse ? Peut-être était-ce la clef de son charme, un mélange entre manière et faiblesse.
Pourtant, il était là, en train de respirer l’odeur douce et sucrée, comme le miel de lavande, de Feynix. Un instant, l’envie de quitter la pièce en courrant jaillit dans son esprit, il aurait aimé le faire, mais ça aurait été d’un goût très mauvais, et ce n’est pas ce qu’il voulait. Alors tant pis, si cette soirée en compagnie de Feynix était une sorte de leurre pour paraître heureux, autant que l’appât devienne réalité, du moins temporairement…
Même si cela faisait déjà quelques minutes que Feynix lui avait parlé et qu’il n’avait répondu, il se décida à reprendre la conversation :

" Vous voyez la vie comme une danse, mais peut-être est-ce plutôt la danse qui représente la vie. Etant création de l’homme, il est normal qu’elle ressemble à sa propre existence. Chaque danse a ses similitude avec des périodes de la vie de son compositeur. Mais si vous deviez définir votre vie, très chère, quelle danse choisiriez-vous ? "-

Feynix n'avait pas perdu une goutte des émotions passant sur le visage de son cavalier. Elle l'avait regardé longuement alors qu'ils dansaient tous deux. Elle garda pour elle ce qu'elle en pensait et se contenta de se pencher à son oreille tout près et de murmurer d'une voix aux accents chauds du sud.

" Qu'est ce qui pèse ainsi sur vos épaules, cher hôte, pour assombrir votre regard ? "

Elle reprit une distance raisonnable pour répondre avec un sourire à la fois doux et amusé.

" Si j'étais une danse, dit-elle doucement. Je serais un balet, une danse ce n'est que trop court pour moi... Et vous même ? "

Elle le regarda avec intensité.-

Le vampire sentait le regard lourd de Feynix. Mais il préféra répondre avec un certain détachement :

" Oh, pas grand chose très chère… Vous savez, les affaires, nos frères de sang qui se battent contre les lycanthropes pendant que nous sommes en train de danser. Ma défunte femme aussi est là, dans mon esprit. Vous me faites penser à elle, comme vous, elle aimait danser. Mais bon, ces abominations l’ont fait rejoindre l’Autre monde, et qui sait ce qui nous attend là bas… "

Il avait dit tout ceci naturellement, il n’avait à peine eu besoin de mentir, car ce qu’il venait de dire était vrai. Mais était-ce vraiment ce qui assombrissait tant son visage ? Non, c’était surtout le fait qu’il jouisse encore de la vie, et Proxima elle seulement de la mort. Enfin, il reprit avec un petit sourire :

" Il est vrai que vous valez bien plus qu’une simple danse, mais, certaines danses pourraient être jouées des siècles si les musiciens extenués n’avait pas besoin de vivre… Mais je dois reconnaître que le ballet est un excellent choix. Pour moi-même, je ne sais trop quelle danse pourrait me convenir… Probablement la basse danse. Même si aujourd’hui elle n’est plus à la mode, je me suis toujours senti très proche de cette danse. Ces vastes mouvements lents et gracieux ressemblent un peu à ma vie, lente et pénible. Cette danse à eu son succès à mon époque, mais depuis quelques siècles sont passés et elle n’est plus vraiment effectuée, ce qui n’est que partie rendue puisque extrêmement ennuyeuse, comme ma vie… "

Zurgaalarphalgiry avait dit ces derniers mots avec une légèreté et un petit sourire dans le simple but de marquer le coté ironique de la vie.-

Feynix avait écouté le vampire sans ne laisser paraître une émotion. Sous son visage lisse de porcelaine au sourire avenant, la vampire venait d'analyser chacun de ses mots.
Elle n'avait ni amis, ni amours sur qui pleurer la mort, aussi n'avait-elle rien de ce genre à rendre, mais quelque part elle comprenait. Quelque part très loin là où il restait un semblant de ce qui avait été sa vie de mortelle.

" Parfois, il ne suffit pas d'être jeune pour durer, dit-elle pleine de malice. Mais juste de ne pas tomber dans l'oubli. La non vie est lente et pénible que si l'air sur lequel on la joue l'est. C'est pour ça que j'aime tant les ballets, c'est que chaque mouvement est une nouvelle surprise, que la lenteur laisse place à la vivacité. Je sais que la mélancolie est le trait propre à notre race mais c'est ce qui nous perdra si nous restons trop ancrés dans le passé. Le monde ne s'arrêtera pas parce que nous regardons par dessus notre épaule. "

Elle sourit, elle avait parlé d'une voix douce, son sourire voulait tout dire et rien à la fois, tout comme son regard où tant de promesses et leurs inverses pouvaient se lire.
Elle embrassa la salle du regard.

" Regardez vos invités, tous ont leur passé plus ou moins douloureux mais tous sont ici et essaient tant bien que mal de subsister dans ce monde... Avec plus ou moins de succes. "-

La vampire semblait vouloir lui rendre le morale, mais serait-ce aussi simple qu'en utilisant quelques phrases plutôt bien tournées ? Non, certainement pas. Même si Zurgaalarphalgiry ressentait du plaisir à parler avec Feynix, cela ne serait pas suffisant pour lui rendre un véritable sourire.

" J'ai été comme vous, pendant une période, volatil, prenant plaisir de cette non-vie. Après que mes pouvoirs me furent rendus et avec eux, mon immortalité et tous les talents qui caractérisent notre race, mais pourtant aujourd'hui, au bout de trois siècle, je me trouve dans un état de mélancolie. Il ne s'agit pas d'une mélancolie comme les humains peuvent subir, mais plutôt une mélancolie à l'idée de vivre, voir de nombreuse personnes mourir sans jamais les rejoindre, excepté par la souffrance et une mort violente. Ma femme s'est donnée la mort parce qu'elle était faible. Même si je l'aimais, et l'aime encore aujourd'hui, je ne peux nier qu'elle était faible mentalement. La mort de notre fils a bouleversé son esprit, et il semblerait que je ne me sois assez occupé d'elle à ce moment. Je ne peux m'empêcher de me dire que je suis responsable de cette tragédie, mais une partie de moi a envie de vivre, même si cela doit être par la souffrance. "

Le vampire s'arrêta de parler, comme pour reprendre sa respiration. Pendant cette petite pose il changea le sens de la danse, dans le simple but de tester les capacités de la Vénitienne. Il l'avait fait naturellement, il aurait pu se contenter de l'ordre classique des pas de danse, mais une partie de son corps aimait les défis. Il en avait profité pour réfléchir à certaines paroles de Feynix et ajouta alors :

" Je ne pense pas qu'une telle mélancolie puisse amener l'extinction de notre race. Je pense que c'est justement la mélancolie qui frappe les vampires qui permet de nous différencier des autres, montrer notre force. Un vampire profitant de la vie à pleines dents n'est qu'un enfant, un vampire subissant la vie et pourtant persévérant est un adulte, plus fort que toutes les autres créatures car justement, il souffre, mais vit encore. Et la force vient toujours de la souffrance. "-

Feynix fut à peine surprise de ce changement de pas, elle suivit avec grâce sans qu'aucune émotion ne se lise sur son visage autre que la réflexion pouvant se lire dans ses yeux.
Elle lui sourit.

" Serais-je donc qu'une enfant, cher hôte, dit elle avec une once de défis. Parce que les douleurs de la non-vie comme de la vie glissent sur moi comme l'eau sur un miroir ? Parce que je refuse de considérer l'immortalité comme un fardeau ? "

Elle s'approcha.

" Quand vous dansez, vous ne subissez pas la musique, vous l'accompagnez, si la vie est une danse, que dois-je en penser, demanda-t-elle. La force vient de là où on la tire. Si il n'y avait qu'une source de forces, nous serions bien trop faibles car il suffirait de trouver notre source et de la couper pour nous tuer. "

Tout ceci n'était qu'une question de point de vue, elle le savait, mais à quoi servaient-ils si on ne pouvait deviser dessus. La Vérité n'existe pas, se rappela-t-elle... Ce n'est qu'un concept pour justifier d'avoir raison quand l'autre vous prouve que l'on a tord.
La vampire eut un sourire et sa peau se hérissa d'un frisson de désir. Après toutes ses années, la pensée de son seigneur lui faisait toujours le
même effet.-

Elyana adressa un regard amusé à Saezo. Ainsi, la timidité était un trait que l'on retrouvait chez les Vampires aussi... Interressant à savoir. Elle avait encore beaucoup à apprendre des comportements des Vampires mais c'est avec un sourire rayonnant et un esprit dégagé de toute pensée autre que la musique que la Vampire pris le bras de son nouveau cavalier et c'est d'un ton ferme et dégagé qu'elle déclara :

" Avec le plus grand des plaisirs. "-

Ainsi donc, la Vénitienne n'avait pas été troublée par ce changement de sens, elle avait du talent, pour la danse, tout du moins. Le vampire laissa apparaître un petit sourire sur son visage fatigué. Il avait cherché avec ses propos la polémique et visiblement, il y aurait droit.

" La question n’est pas si vous êtes une enfant, mais si vous pensez l’être très chère… Peut-être que la vie ressemble à une danse, mais dans ce cas, vous aurez beau être danseur, vous subirez les rythmes et les phrasés de la partition, seul le chef d’orchestre ayant tout pouvoir sur la musique. Mais quel est le chef d’orchestre de notre vie ? "

Au fur et à mesures qu’il dansait, son bras le lançait de plus en plus. La douleur de son auto-punition d’il y a plus d’un mois marquait encore son corps. Remarque, n’était-ce pas ce qu’il voulait ? Il s’était infligé cette souffrance dans le but de ne plus subir la vie, de montrer qu’il était prêt à tout ?

" La mélancolie ne veut pas dire que nous ne faisons rien, que la vie est maîtresse de notre âme. La mélancolie nous permet juste d’avoir un regard plus lointain sur notre existence. Et c’est ce regard qui fait de nous des adultes. Bien sûr, on pourrait me répondre que, même avec ce regard, on peut-être heureux. Certes, on peut l’être, mais si nous avons réellement ce regard, nous sommes aussi forcés d’être mélancolique et couvert de tristesse. Notre immortalité nous permet peut-être d’échapper au plus grand mystère qu’il existe, qui est l’existence après la mort. Mais elle ne nous permet pas de voir des êtres qui nous sont chers disparaître. Et c’est ces disparitions qui, pour ma part, me rendent aussi triste. "-