L’obscurité avait atteint son apogée et Lucas sortit de la taverne légèrement étourdi par l’alcool… il se serra contre Margueritte alors que celle-ci s’écartait en poussant de stupides gloussements… Lucas réitéra plusieurs fois son manège mais la jeune femme, malgré ses rires aguicheurs, lui fit rapidement comprendre qu’elle ne s’intéressait pas à lui.
Il resta un instant coi puis prit une mine plus triste alors qu’il regardait l’horizon… Il songea à son ultime conquête, celle qui prendrait à jamais son cœur en espérant que cela n’arrive vite...
Un bruit. Il se retourna et examina les alentours de la ruelle... rien.
Rassuré, il déposa lentement son verre, ce troisième verre, ce verre en trop qui troublait son esprit et ralentissait son regard. Mélancolique, il pensait à son arrivée dans la ville. Il n’avait pas eu de chance dans ses rencontres et ne trouvait que peu d’argent mais, même si son charme lui suffisait à ne pas payer les passes dans les maison closes, il n’en resterait pas moins qu’un sans avenir s' il ne trouvait pas de travail, encore moins une vraie femme à aimer, et deviendrait un vulgaire roturier qui, plus tard , deviendrait malhonnête pour pouvoir survivre et manger… Il frissonna à cette idée…
Un instant, l’image de son père insultant les gens de la ville et n’ayant de gout que pour la campagne lui revint en tête… S’était-il trompé ? Avait-il fait un mauvais choix en suivant son propre instinct ?
Un grincement… cette fois, Lucas savait qu’il n’avait pas rêvé. Il se releva une fois de plus pour scruter l’obscurité… Puis, avec méfiance, il revint dans la taverne en se persuadant que seul l’alcool était responsable de son malaise.
A l’intérieur, l’alcool abondait à tout va et les ivrognes pullulaient en tentant de s’aquoquiner avec une des multiples demoiselles, passantes ou serveuses ; bref, des femmes qui pour une raison inconnue à Lucas, devaient sûrement aimer cela malgré leur refus constant… Il chercha une autre réponse a cette nouvelle question mais n’en trouva guère… Il finit par recommander de la bière et de ce qu’il appelait de la fraiche compagnie… Ce genre de jeune femme accompagnant les hommes riches et leur tenant compagnie en attendant que l’alcool ait raison d’eux pour les voler…
Il resta en compagnie de deux demoiselles, sachant parfaitement ce qu’elles attendaient de lui, mais contrairement a beaucoup de clients, il se mit à pleurer en se confiant à elles à propos de la femme qui ne prendrait jamais son cœur… Lorsqu’une serveuse lui apporta un petit papier plié sur un plateau avant de repartir vers d’autres clients…
Lucas essuya ses larmes d’un bref revers de la main, et déplia lentement la lettre pour la lire :
« Vous trouverez l’amour
En haut de la tour
Ayez cette décision
Suivez le papillon. »
Lucas regarda le papillon... Il lui fallu quelques secondes pour sortir de sa torpeur. Il se leva, et pris congé de ses dames puis, se mit à suivre le papillon, persuadé que l’alcool avait eu raison de lui, et qu’il délirait en ce moment même. Alors qu’il montait les escaliers, il pensait à ces filles qui devaient certainement être en train de le fouiller pour prélever de ses vêtements la moindre babiole de valeur. Puis il arriva dans une salle privé e de la taverne, dont seule la lumière de quelques bougies éclairait d’une manière feutrée une grande table.
« Désirez-vous vous restaurer ? Pour vous ce sera gratuit... »
Lucas ignora la nourriture sur la table mais avança son visage pour regarder la silhouette qui se dressait devant lui. Il fut alors sûr que l’alcool l'avait emporté lorsque la jeune femme se présenta à lui.
Carine était jeune et totalement à son gout, son regard innocent, ses gestes doux et fluides. Mais ce qui était le plus troublant, au point même d’en faire rougir le jeune homme, était la nudité de Carine qui ne se voilait que légèrement par quelques papillons de part et d’autre de son corps…
La vision pour le moins phantasmatique d’une jeune femme accompagnée de papillons fit tressaillir Lucas… Lentement, il s’installa sur une chaise, mais sans détacher son regard de la jeune femme.
Le visage de Carine se fit soudain craintif et anxieux. Elle s’approcha timidement vers lui et lui demanda :
« Je… Suis-je à votre gout ?
Lucas répondit oui en montrant par un simple geste de tête qu’il n’en croyait pas ses yeux :
« Vous voir est comme un coup de foudre, excepté que la foudre demeure en moi comme si chaque seconde n’était qu’une première fois. Vous voir me plait, vous entendre me remplit de sentiments, j’ai adoré lorsque vous parliez de cette femme qui ne vous aurait jamais pris votre cœur. Voulez-vous vous confier à moi comme vous l’avez fait pour ces filles ?
Lucas et Carine passèrent un très bon moment ensemble, à discuter, rire ou s’attrister avant de lentement se rapprocher… Carine fut surprise de se sentir intimement proche du jeune homme, au point qu’elle ne se rendit compte qu’elle n’était assise dans ces bras que plusieurs heures plus tard…
Son visage, plein de douceur, de charme et sentimental vira alors à celui d’une fille pleine de peur et de tristesse.
Lucas s’en aperçut rapidement et lui demanda ce qui n’allait pas en caressant ses cheveux d’une manière sereine. Puis ne voyant pas de réponse de sa part, il la rassura en vain…
« Allons Carine, vous ne devez avoir peur d’un homme humble comme moi, qui ne souhaite pas dormir dans votre lit mais vivre votre vie ! Je ne suis pas de ceux qui abandonnent lâchement la première venue dans un couvent. »
« Je… Carine éclata en sanglot ; Je ne veux pas vous perdre. »
« Vous ne me perdrez pas, mon cœur est votre maintenant. Mon cœur, mon sang, et mon corps. »
« Comme j’aimerai que votre âme le soit aussi . » Répliqua-t-elle.
Avant même que Lucas ne réponde, elle l’embrassa avec passion. Lucas, prit d’envie pour elle, se rua vers ses lèvres et un léger soupir s’échappa de sa bouche alors qu’il se sentit renaitre au sein de ses baisers. Mais le soupir devint un tressaillement alors qu’une douleur lui prit soudain la langue.
Il regarda la jeune femme avec toujours autant d’amour, alors que lentement son corps s'affaissa, ne laissant échapper qu’un « pourquoi ? »
Carine posa délicatement le corps du jeune homme mort, du sang ruisselant de sa bouche, alors que son visage arborait à la fois amour et désespoir.
« Je vous ai aimé déjà trop longtemps, pleura-t-elle en serrant les dents, si seulement… un sanglot la fit inspirer profondément… si seulement je n’avais pas ressenti cela, alors ç'aurait été tellement plus rapide !! »
Elle resta là à bercer son corps en pensant à cette vie qu’elle aurait pu avoir avec lui si elle n’avait été vampire, et ses papillons volèrent en un nuage de tristesse pour saluer avec respect celui qui avait un instant conqui leur maitresse…
Lorsque la porte s’ouvrit avec fracas. Carine fit volte face et aperçut un jeune homme.
Celui-ci ne devait avoir que 15 ans, mais il avait vu la maitresse et le corps inerte. Déjà, la peur se lut sur son visage.
Mais la maitresse des papillons ne lui laissa le temps de crier… en un instant elle se mit à fondre sur le jeune homme. Quelques secondes plus tard, sa main soulevait le corps évanoui du jeune homme…
« Celui-ci fera un bon jouet pour Ayliss » se disait-elle… Faisant un dernier pas pour sortir de la pièce et se retournant, elle se sentit comme prise par un vertige. Elle observa une dernière fois avec tristesse le corps de Lucas, et se mit à ressentir du dégout pour elle même.
« Je devrais éviter de tomber à chaque fois amoureuse de mes proies, ou toutes ces chasses finiront par me faire mourir de chagrin. » Lentement, les papillons quittèrent le corps de Lucas pour rejoindre le chemin de leur maitresse.
[Direction : La serre]
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